lundi 27 décembre 2010

WikiLeaks et les limites de l'espoir en l'information

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Je ne comptais pas écrire, ni réagir à ce qui se disait sur WikiLeaks, jusqu'à la récente traduction d'un article projetant ce type de pratique dans un projet de société future ou le numérique tient une grande place [1].

Ce n'est pas la première fois que l'on nous vend « l'infosphère » comme le lieu ou le moyen d'établissement de société ou communauté idéale à venir [2]. Il ne s'agit pas de dire que les pratiques et brèches causé par la bonne manipulation de l'information n'ont rien d'intéressant, mais seulement de rappeler ses limites [3].

Un capitalisme devenue cognitif ?
La rumeur court que l'actualité du capitalisme serait la détention et manipulation des services et informations. Une partie de la gauche développe alors une utopie d'une société de services qui n'oublie pas une critique de la propriété du capital.
Si l'attention portée par l'information à un plus haut niveau, est une stratégie de reconfiguration importante du capitalisme, il n'en est pas sa base principale.
Nos sociétés industrielles, ont vu se défère leur industrie. Elles ont disparu de nos secteurs. Ce qui a porté beaucoup de personnes à renommer notre société, une société post-industrielle, ou les services seraient roi.
C'est une impression dû à l'éloignement, à la mise à distance d'une partie du capitalisme. Il ne faut pas oublier l'importance de l'impact psychologique de la mise a distance géographique (psychogéographie [4]), et ses conséquences géopolitique.
Au lieu d'un capitalisme cognitif, il y a plutôt deux choses : fin des frontières de ce qui fait « société » (mais pas fin de la répression, ni de la police), liquidation [5] par une domination qui devient avant tout mondiale, ET transfert et concentration, dans ce cadre, de l'industrie vers la Chine et l'Afrique. L'actualité du capitalisme (mais pas sa totalité) devenant la capture, l'entretient et la détention des flux énergiques.

« La puissance de l’info a commencé à devenir autonome de ses racines matérielles » ?
Cette impression d'une société informationnelle a été redoublée par l'importance accordée par certaines cultures à Internet.
Internet et les informations que l'on y trouve, n'est pas inconditionné à la matière [6]. Il en est même très dépendant. Et c'est bien parce que l'on a conscience de cette dépendance que sont nées des stratégies comme multiplier les copies d'un site sur différents serveurs (« faire des miroirs »). Cette pratique rencontre aussi des difficultés, dû aux législations locales. Plusieurs « miroirs » de WikiLeaks se sont vus interdit assez rapidement, d'autres vivote.
Dans une certaine mesure ces stratégies sont payantes, il est difficile de tout contrôler à la fois. Les partisans de la société numérique, n'hésitent pas alors à vanter l'intelligence d'une population qui a su détourner à son profit une invention originellement militaire (Internet provient du projet militaire ArpaNet). Mais dans certains cas, elle se retourne contre les utilisateurs, qui se livre à l'autofichage-actualisé-en-permanence (réseau sociaux propriétaire) ou se font arrêter avant leur manifestations. C'est qu'à la transparence verticale, du bas d'une hiérarchie au profit du haut (comme le veux la logique du panoptique), s'est ajouté la transparence horizontale, qui non seulement annule toute intimité, mais en plus laisse la voie à la stratégie du plus fort quand aux informations qui sont diffusées. Si une information d'un groupe minoritaire apparaît, il ne manquera pas de se faire taper dessus.
En fait l'intérêt politique corrosif d'Internet, n'a de sens que pour les bombes informationnelles, la révélation d'informations sur ceux qui dominent le monde par la force. Dans les autres cas, il s'avère plutôt dangereux pour les minorités.

Dernière limite aux libres bombes informationnelle : Assange.
Si, nous sommes bien à un tournant de la maîtrise des stratégies informationnelles, avec les attaques certes très faible de personnes se coordonnant temporairement (Anonymous) pour noyer sous un flux de requête tel ou tel site (cherchant même à venger, les attaques subit par WikiLeaks), nous demeurons tout de même dans une résistance aux habitudes lourdes et classiques.
WikiLeaks par exemple a un problème classique d'organisation : un « problème d'individu », qui fait que les fuites (leaks) ne sont pas si Wiki (collaborative) que cela pourrait être. À plusieurs reprises les collègues d'Assange (qui se proclame comme étant l'incarnation de WikiLeaks) ont dénoncé son Égo et ses pratiques, au point que l'un d'entre eux à lancer le projet OpenLeaks (fuites ouvertes). Je ne prédis rien concernant l'avenir de l'un ou de l'autre. Mais il est clair, qu'il faut toujours chercher derrière la beauté théorique et rhétorique d'une société (informationnelles ou pas) ce qui constitue ses pratiques réelles et celles qu'elle laisse accomplir par la population.

Florian Olivier

Notes :
1.« WikiLeaks et l'anarchie numérique », Patrick Lichty, on December 11 2010, Digital Anarchy and WikiLeaks. Or, Skynet doesn’t look anything like we thought it did.
Pour le dire rapidement, je trouve cet article très mal écris. Comme beaucoup de production réactionnaire récente (Empire, Tiqqun, Comité Invisible), il prend le parti de l'élitisme en jargonnant à la gueule d'une population qui bien qu'elle soit concernée par la question de l'émancipation et de la révolte, en demeure par cette stratégie, exclue.

2.Le Critical Art Ensemble, André Gorz, Toni Negri et j'en passe, n'ont eu de cesse de le répéter. Stiegler en constitue peut-être l'exemple le plus inquiétant. S'il fait de lucide critique sur la gestion des désirs et peur par la domination (notamment à travers sa critique de la télécratie), il conserve d'importantes croyances en l'information qui lui font tolérer aussi bien les nanotechnologies, que les O.G.M. L'excuse de la participation de l'information par des nouvelles techniques effaçant visiblement pour lui toutes les dépossessions matérielle de nos vies.

3.Le réel semble tenir sur un fil d'acrobate qui jusqu'à présent rencontre deux types de funambule malheureux qui ne semble connaître que leur boussole idéologique : soit l'oubli de la finitude terrestre (critique souvent porté par des écologistes aux communistes), soit l'oublie du monde matériel lui même, au profit d'un monde de l'information (critique des communistes souvent portés aux écologistes).
Ici nous ne montrons que le second problème.

4.On trouve le mot chez l'Internationale Situationniste, mais je pense qu'on peu en retracer l'intérêt théorique déjà chez Hume, et l'intérêt pratique dès les premiers traités de stratégies militaires chinois.

5.Comme dirait Zygmunt Bauman, dont j'encourage la lecture.

6.Contrairement aux utopiste de la néguentropie, qui voient dans l'organisation et l'information, un échappatoire à l'entropie. Ils oublient simplement que la néguentropie est toujours locale, lié à un organisme organisant, alors que l'entropie est globale, et contient jusqu'à l'existence même de ces organismes.