mercredi 30 mars 2011

Publication récente (Anders, Conner, Testart, Malrieu)


En attendant la sortie prochaine de deux livres aux éditions Wild Project qui se font désirés (Pensées de la Terre, J.B. Callicott et Le monde des êtres vivants, Kinji Imanishi), récemment 4 livres sont publiés qui s'avèrent intéressant. Ne les ayants pas encore lu, je me contenterai de vous présenter rapidement ce qui peu faire leur intérêt.

Gunther Anders, L'obsolescence de l'homme, Tome II, sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle. éd. Fario, 2011 [1980].
G. A. est un auteur qui était peu connu en France. G. Debord qui ne lisait pas l'Allemand, mais qui en a eu connaissance par un de ses comparses qui en compris les grandes lignes, ainsi que par des publications anglaises, s'en inspira largement pour mettre au point sa Société du Spectacle. Mais rassurez vous : G. A est bien plus lisible et accessible que les textes de Debord, jargonnant et sommes toute élitiste sous certains aspects. Les éditions de L'encyclopédie des nuisances avait déjà traduit le Tome I de L'obsolescence de l'homme en 2002, et cette traduction pour beaucoup de français qui ne lise que leur langue fut une révélation à partir de laquelle l'auteur fut redécouvert. Par ex. par J. P Dupuy (compagnon de pensé d'Ivan Illich, qu'on peu racoler grossièrement au courant pour la décroissance économique et la croissance des liens sociaux) qui fit paraître par la suite la traduction d'un autre livre d'Anders (Hiroshima est partout).
Mais ce qui a clairement réactivé récemment la lecture de l'auteur, c'est la catastrophe nucléaire qui a eu lieu au Japon (mais ça aurait pu être n'importe où) : Anders a en effet été très touché par l'invention de la bombe atomique. Pour lui une invention d'une telle puissance pèse sur la liberté de l'ensemble des humains. Elle s'impose à nous comme une limite, à la fois barrière infranchissable et menace qui pourrait s'abattre à tout moment. Que l'on meure de la bombe ou d'une centrale nucléaire ne fait pas de différence pour Anders. Les mêmes techniques sont a l’œuvre.
Ce second tome s'attache à montrer que le Sujet de l'Histoire s'est déplacé. L'humain en exploitant l'énergie contenue dans les sous-sols a mis au point des techniques bien plus génératrices de changements que lui même. L'Histoire, si elle est établie comme le suivi des changements importants, s'est alors plus intéressé aux Techniques et a ce qu'elles permettent qu'aux Humains. Anders, de son côté constate que ce sont à présent ces Techniques qui modifient les humains, son étude va alors se porter sur la transformation des humains en cours à cette époque.

Clifford D. Conner, Histoire populaire des sciences, éd. L'échappée 2011 [2005].
De son côté va s'intéresser aux humains qui mettent au point ces techniques, mais loin de décrire cette élaboration par la présentation de sorte de sur-homme individuel qui vont changer la donne, il insiste sur la construction collective de ces savoirs et techniques, ainsi que sur leur origine populaire. Une image claire est donnée dans son introduction : « Il serait bien entendu absurde de vouloir attribuer directement la formulation de la théorie des quanta ou de la structure de l'ADN à des artisans ou à des paysans. Mais si l'on compare l'édifice scientifique moderne à un gratte-ciel, alors on peut dire que les grands accomplissements du XXe siècle ne sont que les ouvrages sophistiqués à son sommet, soutenus par des fondations massives édifiées par de modestes travailleurs – et ne pouvant exister sans elles. Si les sciences sont comprises dans le sens fondamental de connaissance de la nature, il ne faut pas s'étonner qu'elles trouvent leurs origines chez ceux qui en étaient les plus proches : les chasseurs-cueilleurs, les petits paysans, les marins, les mineurs, les forgerons, les guérisseurs et tant d'autres qui, de par leur condition devaient assurer leur subsistance quotidienne au contact de la nature. »
Une image forte, bien qu'a mon avis, elle devrait être modérée par l'importance des possibilités ouverte par la théorie conventionnaliste (Point Carré – Duhem) qui a permis à des auteurs comme Einstein et d'autres, de faire table rase des théories passés pour proposer leurs nouvelles conventions. L'important étant que cela fonctionne, pas forcément que ce soit cohérent avec les théories passées dans le domaine. Toutefois il est clair, surtout aujourd'hui avec des domaines comme l'ethno-pharmacologie, que l'importance des savoirs-populaires mis au profit des industriels est cruciale.

Jacques Testart, Agnès Sinaï, Catherine Bourgain, Labo Planète ; Ou comment 2030 se prépare sans les citoyens, éd. Mille et une nuits. Décembre 2010.
Détournant le titre de la revue Planète Laboratoire, les auteurs de Labo Planète se demande comment on peu refaire participer cette population que l'on tend à écarter des sciences, pour qu'elle puisse à son tour intervenir sur un processus qui jusqu'à présent s'impose à eux. La question de la gouvernance populaire des sciences est posée.
Testart est connu pour avoir osé prendre en main une critique de science alors qu'il est lui même un scientifique reconnu. Il fait à présent peur a pas mal de scientifique, en se révélant assez intransigeant avec leur compromission avec le pouvoir. Il les rappelle notamment à leurs responsabilités, critique le scientisme et les opportunistes qui à l'approche du Téléthon ou d'autres mises en scènes médiatiques s'empressent de faire connaître leur travail bien antérieur.
Globalement l'approche du livre est celle de la Fondation Science Citoyenne (FSC). Je ne considère pas cette approche comme la mienne, dans la mesure ou j'ai plutôt l'impression qu'elle reviendrai à donner un avis sur un processus qui, lui continue de nous échapper. La technoscience engendre des problèmes c'est clair, mais ces problèmes trouve aussi leur source dans une société bien spécifique qui nécessite la spécialisation (par ex.). Ce que je critique pour ma part c'est principalement la société capitaliste industrielle mondiale. Critiquer QUE la science qu'elle produit, c'est raté une part du problème, je suis soucieux non pas que de la gouvernance de la science, mais de la reconnaissance des savoirs-faires populaire. Que ceux-ci soient aussi reconnus.

Jean-Paul Malrieu, La science gouvernée ; essai sur le triangle sciences/techniques/pouvoir, éd. Librairie Ombres Blanches. 2011.
Enfin, Malrieu se pose les enjeux de pouvoir un peu plus interne dans les sciences elle même a travers la normalisation de leur démarche par la concurrence internationale et ses logiques court-termiste. Le lien que justement la FSC semble omettre est ici valorisé.
Malrieu était connu pour s'être rapproché de position adopté par Michéa, à savoir que le libéralisme n'est pas simplement une théorie de la libre économie, mais aussi une théorie sociale et politique. Il s'agit essentiellement d'écouter le rapport de force enjeu est de le validé par le Droit ou la Politique. Cela peu mener à des contradictions assez problématique et dont le libéralisme ne peux pas sortir puisqu'il se refuse à mettre en place un bien commun spécifique de peur de définir a la place de la population ce qui est bien pour eux. Partant il tente la logique du moindre mal. Je me demandais ce qu'une telle approche pouvait produire comme pensé sur un sujet comme la science.
Pour ma part j'ai déjà trouvé mon point de vue sur la question. Il y a bien une sorte de bien commun à définir. Mais il ne s'agit pas de postuler sur ce qui est bien pour tout le monde (tout le monde aura des avis différents), mais sur ce qui permet à chacun de définir ce qui est bien pour lui. Or pour que chacun puisse faire cette démarche, il faut que les conditions de vie de base soit assuré (accès à l'eau et a la nourriture, habitat, circulation). L'enjeu est donc plutôt d'assurer des conditions, que le bien commun a proprement parlé. Par ailleurs une telle définition établie aussi des limites. En effet si la réalisation du bien de certains empêche le maintient des conditions qui permettent à tous de définir ce qui est bien pour soi, alors il faut empêcher la réalisation de ce bien particulier. Un exemple pratique pourrait être quelqu'un qui obtiendrait son bien/plaisir en effectuant en un mois plusieurs voyage en avion (le cas de tous les femmes et hommes d'affaires). Sa réalisation impliquant la destruction d'un nombre important de ressources dont beaucoup de personnes aurait besoin pour définir à leur tour ce qui est bien pour eux, cette entreprise n'est pas acceptable. Évidemment tout cela peut paraître très théorique, et peu pratique. C'est pourquoi dans une démarche pragmatique, il m'a clairement semblé plus intéressant de m'engager dans un groupe anarchiste plutôt que perdre son temps à écrire des textes qu'au final peu de personnes aurons lu.

lundi 21 mars 2011

L'émergence, le retour du conservatisme scientifique


Pour moi les théories de l'émergence sont autant de résurgence d'un nouveau conservatisme scientifique. Les présentations les plus habiles de l'émergence font la part belle a l'hypothèse en l'opposant d'un côté à un réductionnisme mécanique incapable d'expliquer certains phénomènes, à celle d'un idéalisme (qui ferait par ex. exister l'esprit sans le cerveau...).
Il place alors tranquillement l'émergence entre les deux extrêmes sciemment mise en place, et la rhétorique fait le reste : qui voudrait des deux extrêmes ? Personne évidemment.

Le problème c'est que l'émergence se résume souvent a être l'explication que l'on amène quand précisément on a pas de véritable explication. Au lieu de chercher les vraies raisons d'un phénomène, on dit abusivement que c'est quelque chose qui émerge d'autre chose que lui par contre on connaît déjà... On veut pas remettre en cause une théorie générale et bien existante, et on se contente d'inventer pour la petite découverte ou chose qu'on explique pas encore, une émergence. C'est certainement pour cette raison que la théorie de l'émergence se retrouve maintenant dans tous les domaines : de l'Astronomie à l'étude de la Vie... et que certains peuvent la lier sans problème a des religions ou spiritualité bien spécifique comme l'hindouisme1. Je crains que ce genre de pratique, cette erreur que constitue la fuite par l'émergence persiste à cause de ce principe de base. Au fond ce n'est qu'une variante sur la « théorie ad hoc ».
Partant donc de la seule chose qu'ils pensent connaître, la théorie de l'émergence fait alors une double erreur en introduisant une idée de causalité (nécessaire pour maintenir la théorie que personne n'ose critiquer mais qui s'avère bien insuffisante pour expliquer ce que l'on veut quand même reconnaître comme existant en le casant dans « émergence »). Ils auraient pu s'en sortir mieux en disant qu' il y a coïncidence... mais non.

Il faut dire si l'on veut être correct, que la seule véritable critique de l'émergence vient du vitalisme et que celui ci à connu de nombreux déboires. Il n'y a que Canguilhem qui a su commencer à faire du vitalisme une proposition non problématique, qui ne faisait pas intervenir des choses comme une "force vitale" la ou elle ne devrait pas être.
Bergson avait commencé à critiquer le vitalisme en indiquant que la seule chose qu'il permettait de voir était l'ignorance d'un processus (voir Bergson, l'évolution créatrice. éd. Puf [1907], 2007. Chap. 1 p 42).
Avec Canguilhem cette démarche négative devient positive en étant inclus dans la démarche de recherche d'autres hypothèses. On critique les abus, on propose autre chose, qui ne rallie pas pour autant a un réductionnisme, un dieu-émergent ou l'idéalisme.

Canguilhem a fait un historique du vitalisme2. Il le décrit comme un courant de pensée pluriel, mais assez cohérent, avec une certaine unité et vitalité. Sa vitalité est du en partie a des philosophes médecins et se révèle « divisé et oscillante » mais s'engage en général « dans une recherche du sens des rapports entre la vie et la science en général, la vie et la science de la vie plus spécialement » (p.108/95). Le vitalisme est sceptique à l'égard du pouvoir des techniques et s'intéresse plutôt aux « réaction de l'organisme et à sa défense qu'a la cause morbide » (p.109/86). Il y a là une méfiance, « faut-il dire instinctive, à l'égard du pouvoir de la technique sur la vie » (p.109/86). « Le vitalisme c'est l'expression de la confiance du vivant dans la vie, de l'identité de la vie avec soi même dans le vivant humain, conscient de vivre. […] Le vitalisme traduit une exigence permanente de la vie dans le vivant, l'identité avec soi même de la vie immanente au vivant. » (p.109/86). Le mécanisme auquel s'oppose le vitalisme, tend à séparer le vivant de sa vie, a le mettre face à elle et a la considérer comme un objet, la réduire à l'inerte. Alors que le vitalisme incline a un sentiment de sympathie envers les phénomènes naturels, a se voir comme participant et membre d'un tout, d'un cosmos, ou de l'ensemble des vivants (communauté biotique). Le vitalisme est un règne original sur le tout de l'expérience qui n'a pas a se contenter d'enclaves ou de zones de dissidence. C'est une proposition qui a plus de raison de pouvoir contenir la connaissance de la matière que l'inverse, permettant la reconnaissance des pratiques de chacun, la ou la vue mécaniste veut tout réduire sous son empire. « Les renaissances du vitalisme traduisent peut-être de façon discontinue la méfiance permanente de la vie devant la mécanisation de la vie. C'est la vie cherchant à remettre le mécanisme à sa place dans la vie. » (p.126/99). « Rendre justice au vitalisme ce n'est finalement que lui rendre la vie. » (p.127/100).

1www.enfants-avalon.com/textes_dir/Emergence.pdf
2Il y expose aussi la fécondité du vitalisme à travers divers travaux qu'il a permis ainsi que les idées reçues qui continue d'être porté sur lui et la récupération politique que certains ont tenté de faire. L'ensemble des citations que nous donnons dans ce paragraphe ainsi que les détails que nous nous contentons de présenté ici se trouve dans Georges Canguilhem, La connaissance de la vie, Partie III. Chap. I. Aspect du vitalisme de La connaissance de la vie.

mardi 1 mars 2011

Revue Z n°4


Notes sur la Revue Z, N°4.

Globalement le niveau des articles, est une critique basique. Sur le sujet elle n'apporte pas grand chose de nouveau. Elle est juste bien présentée. J'ai l'impression qu'a bien des reprises ils ont cherché la radicalité sans vraiment en trouvé la forme. Dans un article, Latouche est mis a côté de Rosanvallon... des auteurs qui ont peu en commun, et c'est Bookchin qui est présenté comme un bon parti. L'ignorance de Bernard Charbonneau sur le sujet, est une grande déception. De même a un moment on dirait que Illich est cité, plus pour son aura, que pour ce qu'il dit (c'est la définition de la convivialité qui est extraite, mais elle est tellement floue, qu'elle ne signifie rien politiquement). Au final, cela donne une grosse revue, bien verbeuse, pour quelques arguments qui ne sont pas mauvais, mais qui aurait pu tenir dans beaucoup moins de place et rendue beaucoup plus visible.

Les mauvais élèves du développement durable. L'article Un aéroport en vert et contre tout, critique l'invasion d'un territoire (Notre-Dame-des-Landes) par un appareil technique nuisible : l'aéroport. Une photo donne le ton, en laissant voir un slogan : Ni éco dieu, ni géo-maître. Il s'agit de critiquer un dispositif estampillé écologique mais qui vient tout détruire localement. La bataille fait rage depuis plus de 30 ans. Mais affichant des victoires populaires comme Plogoff, ou toute une population à refusé une centrale nucléaire, certains gardent l'espoir.
Les positions sont claires, on préfère une autonomie locale basé sur des pratiques qu'on maîtrise (comme des potagers autogérés) qu'une autonomie destructrice imposée par des politiques et industriels. Un ensemble de témoignages suivent. J'ai l'impression que l'on cherche a faire l'éloge du bon sentiment populaire. Je partage l'idée que la critique et les pratiques populaires sont primordiales, mais j'ai l'impression que la revue en fait trop.
L'article Pratiques agricoles communes, montre des pratiques de culture communes vécues comme de la résistance. Il s'agit d'y exposer des jardins vivriers, collectif, ou ni l'argent, ni l'industrie n'a sa place. Un des témoignages est intéressant cette fois, il critique les « débats public » comme des mascarades. Il s'agit du même problème rencontré avec celui sur les nanotechnologies, rencontré ici avec l'aéroport et que d'autres ont connu avec le nucléaire. On place face a des personnes lambda des experts de la propagande, on fait croire aux personnes qu'on les écoute, alors que tout est déjà ficellé. Et a la fin on sort un dossier sur papier glacé en mettant en avant que tout le monde a participé et s'est impliqué.

Sois Vert et Tais-toi. Avec l'article la politique du tout-à-léco, il s'agit de dénoncer l'exigence poser a chacun de rendre durable le capitalisme. Au lieu de voir les petites économies et diminution d'impact personnel comme ceux qu'ils sont, il s'agit de les faire passer pour l'acte politique par excellence. Chacun doit devenir un consommateur modèle. On reste prolétaire ou capitaliste, mais ont est propre, responsable et vert : éco-citoyen. C'est le mode de production qui pose problème, mais au lieu de le remettre en cause, on en cherche les bons usages. C'est la poursuite des pratiques totalisante de l'État. Il prétend a présent jusqu'à réguler nos gestes quotidiens. Déterminer avec des experts, qu'elles sont les bons, qu'elles sont les mauvais. Je ne partage pas la perspective du texte qui pose comme deux extrême différent : l'éco-citoyennisme et le tyran éclairé. Il s'agit en fait de la même structure : l'État, qui prolonge ce qu'il a toujours fait : le contrôle et la soumission des populations. Une des perspectives néfastes que rappelle aussi l'article est l'implication de tout un chacun dans le désastre : nous serions tous co-responsable, chacun au même titre qu'une industrie ou un gouvernement. L'auteur fini par appeler a une autre écologie politique en montrant Bookchin.
L'article la petite planète des grands singes, met en jeu la destruction de l'urbanisation, présenté comme acte de terraformation (transformation radicale d'un territoire en vue de sa colonisation par une forme de vie spécifique). C'est l'urbanisme qui est dénoncé, surtout quand ce dernier est recouvert de culture pour mieux faire disparaître l'absence de décision populaire. Pour forcer la participation, les techniciens sont prêt a tout, y compris, créer de faux conflits et des lieux ou se plaindre. Une citation de Jean-Pierre Garnier est intéressante : « [les] centres urbains [sont] pensés comme des centres de profits, les métropoles s'affrontent pour intercepter les flux de capitaux, de marchandises et de populations solvables. Faisant gonfler bulles immobilières et colères populaires. ». L'organisation de la ville érige les comportements qu'il faut avoir, et ceux qu'il faut éviter. Tout es pensée au préalable, de telle manière qu'une fois que le dispositif est en place, on ne peu plus identifier les choix politiques qui ont été commis. A la fin tout le monde ne peu trouver que cela normal. Un dernier article dénonce d'ailleurs la prévention situationnelle. Cette organisation technique de l'espace qui peu aller jusqu'à empêcher des manifestations et révoltes, en écartant non pas les envahisseurs, mais les citadins indésirables. Vidéo-surveillance, bancs anti-squat, produit répulsif. Le mobilier urbain est pensée pour favoriser le commerce, pas pour discuter sur place. Si l'on transite en ville, c'est pour travailler ou consommer, pas pour s'asseoir et discuter. Les voitures dissuaderont les dernières résistances. « Le remodelage physique de l'espace [est] construit à des fins plus ou moins explicites de défense sociale contre un nouvel ennemi intérieur : non plus le « subversif » […], mais le « mauvais pauvre », celui qui, d'une manière ou d'une autre, vient troubler l'ordre public, ne serait- ce que par sa propre présence, comme dans le cas des mendiants ou des sans-logis. » (Jean-Pierre Garnier).

Opération NALA, Fragments animés d'une lutte animale. Un article-fiction sur la lutte animaliste. Les slogans donnent le ton : « Abattons les abattoirs », « fermons les fermes », d'autres laissent dubitatifs : « tuer pour manger = crime » (sont-ils des fructivores - charognards, ou considèrent t-ils que les plantes ne sont pas vivantes ?). Les pratiques n'en disent pas moins : sabotage des serrures avec de la colle, slogans a la peinture rouge, casse des caméras de surveillances et de matériel des propriétaires, évacuation des animaux. NALA signifie Nouvelle Armée de Libération des Animaux. Les tons avec lesquels les journaux ont l'habitude de parler des ces cas est assez bien rendu, un article emploi sans distance le terme d'écoterroriste,et décrit les anarchistes comme « issus des milieux aisés et intellectuels et auraient entre 25 et 35 ans ».
De son côté la NALA ne hiérarchise pas ses ennemis, et met au même niveau un chasseur, un industriel de la viande et un laboratoire pharmaceutique : « personne ne sera à l'abri de nos attaques tant qu'il ne sera pas repenti ». L'auteur ne laisse aucun espoir a cette lutte, l'auteurE est retrouvée, avoue, et fini par s'immoler avant son passage en justice.

Sacrifier un monde pour sauver la planète. L'article Main basse sur l'or vert est très intéressant. Les communautés paysannes, tout comme l'ensemble des populations sont priés de s'associés aux gouvernements et industriels pour être prestataire de service et petite-main du développement durable bio-industriel. L'objectif ? « L'accès aux RG (Ressources génétiques) et aux CT (Connaissances traditionnelles) associées est devenu un enjeu industriel majeur. » (ministère français du DD). La conscience d'un problème écologique ne se pose que en tant qu'il pourrait nous rendre service. Et ce qui intéresse la sauvegarde concerne surtout la faune charismatique remarquable (orangs-outangs, bébés phoques...). L'écologie spectacle. Le problème se pose différemment pour les tribus et communautés paysannes, dont les lieux de vies sont détruits... par notre mode de production, alors qu'on exige d'eux dans le même temps qu'ils se convertissent aux impératifs du DD.
La biodiversité est un enjeux économique pour la banque mondiale pour la biodiversité : « il y a un fort consensus autour de l'importance grandissante des biotechnologies dans la croissance des nations comme les États-unis. La croissance économique repose sur l'accès à la diversité biologique et sur la gestion des stocks existants. » [Thomas Lovejoy & George Milne, Genetic Ressources, National Interest and Security, 1996]. Le sociologue Marc Hufty révèle ces intérêts aux États-unis depuis 1981. L'industrie génétique a besoin de ces ressources [« Les espèces naturelles sont la bibliothèque à partir de laquelle l'ingénierie génétique est possible » Lovejoy] or elles se trouvent précisément dans les pays que d'autres industries détruisent. Que faire ? Mettre la zone en quarantaine en expulsant tous les humains1 et la passer sous contrôle total. Le capitalisme étant encore son emprise, sur ceux qui pensent pouvoir sauver la nature grâce a lui. Mais la stratégie est claire : il ne s'agit pas de sauver la planète, de permettre a tous de manger ou boire, mais de désigner des lieux spécifiques et peu nombreux ou concentrer un minimum de moyen pour tirer un maximum de bénéfice. Ils appellent ces lieux : « hotspot ». Le fait que les écosystèmes constituent de nombreuses interactions au niveau global/mondial, n'a pas l'air de leur poser problème, tout comme le fait qu'une grande biodiversité localisée, n'est pas du qu'aux conditions locales. Sous les aspects du gentil vert, se révèlent de fructueuses tractation financière entre de grandes entreprises et des ONG, au profits de l'industrie génétique.
La numérisation des informations génétique est au fond ce qu'il y a de plus important, plus même que la conservation réelle des espèces. Car ils pensent a terme, tout simplement pouvoir les recréer grâce a cette base numérique.
A travers des manoeuvres plus soft, certains essaye d'intégrer les populations locales aux intérêts de préservations, mais ce ne serait qu'une « autre modalité de soumission des populations autochtones aux stratégies de la gouvernance mondiale. » On cherche a planté des arbres à valeur commerciale, a former au canyoning, à la randonnées et à la gestion d'infrastructures hôtelières. D'autres a la production de café biologique. Une des tendances les plus importantes est de tenter de faire baptiser « reforestation » l'implantation sur d'énormes surface de monoculture de « plantations forestières commerciales. » La rhétorique est poussé très loin pour cacher ces ambitions : « Un système d'ordonnancement territorial […] organisé et consolidé, qui apporte un ensemble de biens et services environnementaux à la société centraméricaine et mondiale, et propose des espaces de concertation sociale permettant de promouvoir l'investissement dans la préservation et l'usage durable des ressources. » [CBM : http://www.ccad.ws/CBM.html]. L'article se termine par un appel a une lutte internationale anticapitaliste et écologique : « C'est en s'alliant avec ces tribus et ces communautés menacées par ce nouvel impérialisme vert, qu'une véritable lutte contre notre esclavage industriel et la destruction de la nature autour de nous est possible. C'est-à-dire tout aussi bien en recherchant ici les bases d'un autre rapport à la nature, débarrassé des médiations commerciales et industrielles, qu'en soutenant ceux qui, ailleurs, luttent encore aujourd'hui contre leur mise en place. ».
L'article Le vent tourne à Tehuantepec, traite a travers des cas pratiques en Amérique du Sud, d'un capitalisme qui se revendique clairement vert, mais dont les habitant ne sont pas dupes et « ne cessent de lutter contre la commercialisation de leurs terres, l'industrialisation de leur environnement et la destruction de leurs cultures indigènes. » Les terres locales y sont capturées par le capitalisme mondial pour compenser autoritairement les pollutions engendrée à l'échelle globale. La population mexicaine ne disposant pas des savoir-faires nécessaire aux Techniques Vertes sur lesquelles compte leur gouvernement, il enfonce cette dernière dans une dépendance aux industriels occidentaux. La population répond par un symbole fort qu'elle oppose a cette logique : l'ejido qui par du principe rousseauiste que la terre appartient à ceux qui la travaillent [La tierra es de quien la trabaja]. C'était une réalité constitutionnelle sur place jusqu'en 1992 ou des modifications dans la législation apparaissent pour parcelliser les terres communautaires. A travers des dispositifs scandaleux (faire signer des contrats rédigé dans une langue que ne comprennent pas les habitants par ex.) les fonctionnaires font passer en force leurs projets. Qu'a cela ne tienne la population revendique la « communalité2 » et pratique le « travail communautaire (tekio), les décisions en assemblée, la pratique de droits coutumiers, la production ancestrale du maïs totopo criolo, et aussi l'importance de la fête, de la convivialité. […] Les mouvements d'opositions locaux, […] se sont fédérés en une organisation autonome et libertaire3 ». La perte du territoire, de ce que l'on mange, y est clairement comprise comme la perte d'une partie de ce que l'on pourrait être4.
L'article Le désert des cobayes, revient sur les essais nucléaires organisés par le gouvernement français dans les années 60 au Sahara algérien à travers les humains qui les ont vécus en étant directement exposé aux explosions. De tous les relevés, notes, savoirs, mis au point grâce a l'explosion nucléaire, ce sont les humains sur lesquels on sait le moins de chose. Les effets sur les objets, les tanks, eux sont indiqués en clair. Ni les soldats, ni la population locale de Reggane n'avaient connaissance des conséquences de cet « essai ». Beaucoup d'humains y ont perdu, irradiés. Rien ne semblait réellement préparé : des protections futiles, une organisation de dernière minute, un matériel en général inadéquat, des manoeuvres en plein milieu des radiations... Sur place aujourd'hui encore il traîne des restes de cette horrible affaire, déchets radioactifs compris. Un triomphe a la française.

Notes :
1Par exemple des militaires et des policiers ont procédé a l'expulsion de deux communautés installées depuis vingt ans au nord de la réserve des Montes Azules. Ils avaient catégoriquement refusé les offres d'argent et de relogement à l'extérieur de la réserve, dans les villages préfabirqués du gouvernement et était dès lors considéré comme « installations humaines illégales »... alors que cela fait 20 ans qu'ils vivaient là. Régulièrement le conseil de bon gouvernement zapatiste, dénonce ces pratiques. Voir le site du comité de solifarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL) : http://www.cspcl.ouvaton.org
2« concept issu des pratiques des communautés indiennes de Oaxaca, théorisé au début des années 1980 par différents intellectuels indigènes des mouvements de lutte de cette région. Elle désigne ce qui touche au commun et à l'organisation communautaire (assemblée, travail et terres collectives), à la fois comme une réalité vécue et comme un horizon politique fondé sur l'autodétermination et l'autonomie, qu'il s'agit de fortifier. »
3L'assemblée en défense de la terre et du territoire de l'Isthme : voir http://tierrayterritorio.wordpress.com
4Je dis bien pourrait être, et pas de ce que l'on est. L'identité n'est pas une affaire de tradition ou de racine, mais de devenir, de liberté. Il ne s'agit pas de restaurer un état antérieur, celui du dogme de telle ou telle époque, mais bien de se construire, de tendre vers une perspective, un devenir.