dimanche 14 décembre 2014

Sur « La reproduction artificielle de l’humain » de « Alexis Escudero »

Version PDF (3 pages A4) : http://www.mediafire.com/view/1zyqx1lf3bal7uu/alexis_escudero_resume_des_griefs.pdf

Impasse sur le rapport de force asymétrique du patriarcat. Entraînent diverses conséquences dont une ignorance de la situation des personnes trans (victime de l’eugénisme que l’auteur pense par ailleurs dénoncer1), un tribunal des féminismes depuis une position d’homme qui ne questionne pas sa propre position, une réduction des demandeurs de PMA a une jérémiade d’une bourgeoisie stérile, et un fantasme de la puissance des mouvements LGBT2. Il ne laisse apparaître aucune compassion sur les difficultés de ces personnes3, et s’il évoque les conditions d’un prolétariat féminin en Inde, cela apparaît avant tout pour culpabiliser « la gauche » sur sa position « PRO-PMA » (tout en faisant de leurs conditions de travail inquiétante une généralisation inévitable sur cette technique).

Participation a une logique confusionniste. En n’hésitant pas comme PMO à conseiller des auteurs de Droite sans plus de précaution tant qu’ils critiquent les techniques4. En affirmant que la gauche se bat pour « la marchandisation du vivant.5 » alors que les critiques apparaissent dès le séquençage de l’ADN humain6, en réduisant cette dernière a la classe dirigeante et ses lieutenants7, en affichant une tendance malthusienne ambigu8, en pointant un famillialisme positif alors qu’elle est un lieu des premiers lieu de violence9. Il rejoint une croyance a la mode selon laquelle le libéralisme est un progressisme (donc de gauche) alors qu’il est un objectivisme (c’est-à-dire que s’il donne l’impression de rejoindre des positions progressistes ce n’est qu’a conditions qu’il les transforme en vecteur de la marchandise).

Hiérarchisation ou autoritarisme des luttes. L’auteur oppose différentes luttes les unes aux autres (écologie et PMA notamment10), et distinguent des luttes dignes11. Il croit (indiqué en conférence-débat) que sans lui et son angle polémique, personne ne débattrai aujourd’hui du sujet (justifiant ainsi la logique publicitaire, selon laquelle il n’y a pas de « mauvaise publicité » tant qu’on parle du sujet12), et qu’une hiérarchisation personnelle des luttes, justifie qu’il puisse indiquer politiquement (c’est-à-dire autoritairement) qu’elle devrait être cette hiérarchie aux autres13. Par ailleurs il pense vraiment que la lutte contre la technique est plus importante (argument : elle serait plus difficile) que d’autres luttes.
Enfin, il relaie un catastrophisme en extrapolant les pratiques de certains pays dans certaines entreprises (ou la PMA est traité comme une marchandise et permet l’eugénisme) à l’ensemble des autres pratiques14. C’est confondre le possible et le nécessaire15.

Le capitalisme, science, techniques et émancipation. La science peut-être entendue sous différents sens et pas seulement celui de la production industrielle capitaliste. Aujourd’hui les volontés capitalistes, dirigent de grand groupes industriels et enrôles des scientifiques dans leur développement. Escudéro semble opposé de manière manichéenne, comme une grande part du mouvement « anti-industriel » d’un côté l’industrie et de l’autre l’artisanat. Mais ce n’est pas automatique.
La science est une démarche qui ne requiert pas systématiquement des rapports d’autorité (sauf celui de la reconnaissance de la vérité), et son expertise peut-être mise au service d’autres idées pour peu qu’elle soit repensée radicalement. De même qu’il peut exister une sorte de science du trafic routier… qui ne sert que ceux qui ont une voiture, il n’est pas exclu que puisse exister une science du trafic cycliste qui serai aussi utile a ceux qui utilisent des vélos. Il ne s’agit pas de rejouer la science prolétarienne ou l’une serai vrai, et l’autre fausse. Les deux vérité sont juste, c’est qu’il y en a une qui est utile a certains, et une autre a d’autres. C’est une question d’orientation de la recherche.
L’artisanat ne doit pas être idéalisé, les patrons qui y agissent ont encore le même pouvoir qu’ailleurs.
Une coopérative de travailleurs, produisant artisanalement ou industriellement pose t’elle problème a partir du moment ou elle répond aux besoins de la population humaine et prendrai soins de l’ensemble des vivants et de leurs conditions de vie ? Sur la question d’une boussole permettant de faire le tri entre les bonnes techniques et les mauvaises, en conférence, l’auteur évoque Ivan Illich et sa théorie des seuils  (repris aujourd’hui par Jean Pierre Dupuy) : passé un certains seuils une technique finie par se retourner contre son usage d’origine : la médecine rend malade, la voiture nous fait ralentir, l’éducation abêtit etc. Un des mécanismes pointé est le monopole radical : les techniques hétéronomes (celles issus d’une institution, d’une hiérarchie) finissent par empêcher l’autonomie des individus. Le problème c’est que cette critique de la technique est de type culturelle et non politique (Illich est plus un chrétien qu’un politicien). D’autres outils pour critiquer, faire le tri, existe, en termes de critères (et l’auteur ne semble même pas les connaître), il suffit de se poser les bonnes questions, quand elles ne sont pas imposées de manière autoritaire et ne pose pas de problèmes sanitaire, et que les conséquences ont été choisis par ceux qui les vivrons : es-ce que cela peut-être produit, réparé et entretenu sur place ? (avec les matériaux et savoir-faire s locaux) Ces connaissances sont-elle facile d’accès ? Combien de temps dure ces matériaux ? Sont-ils renouvelables ? Etc. Le problème n’est pas tant une recherche « d’autonomie » ou « d’émancipation » etc. qui sont souvent des mots ceux, mais plutôt quelle dépendance accepte t’ont ? Et pour bien les choisir, les identifier et connaître leurs effets16.
Les rapports informels ne sont pas non plus la panacée, la possibilité de se « féconder » par le moyen du « pot de yaourt » par exemple est non seulement illégale, mais permet actuellement encore la réclamation par un père d’un enfant d’un couple homoparental. Rappelons aussi l’aspect gênant ; les situations délicates, voire humiliantes ou dangereuses que cela peut entraîner pour des femmes cherchant un donneur dans leur « entourage ». L’expertise que l’auteur semble vouloir éviter n’est pas mobilisée qu’a travers la science, mais aussi la justice17.
En critiquant quelques techniques mise a son service par le capitalisme, l’auteur critique les conséquences mais non le mouvement d’ensemble18. Il ne faut pas nier toutefois certains aboutissements logiques intrinsèquement capitalistes comme l’idéologie du transhumanisme et la production de nanotechnologie (à l’heure actuelle). Mais même dans ces cas, il faut voir ou se situe le rapport de force, et savoir distinguer la classe dirigeante, les patrons, les actionnaires, des opprimés, des précaires et de ceux qui essayent de survivre aux difficultés que leur oppose la maladie et les accidents.


Je voudrais remercier en particulier Aude Vidal, dont les réflexions sur les conditions des femmes m’ont largement appris sur les difficultés du sujet.

Notes
1La stérilisation est encore nécessaire en France et ailleurs pour pouvoir changer de sexe social. Dans de nombreux pays être trans est considéré comme une maladie mentale.
2 L’idée d’un lobby LGBT capable « d’imposer » l’extension du droit à la PMA  (Chap. 1 : « des collectifs et associations LGBT (Lesbiennes, gays, bi et trans) imposent dans le brouhaha l’extension du droit à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes. »). Pour se faire une idée de la « puissance » de ces groupes… en 30 ans :
_l’obtention d’un PACS qui n’a jamais répondu aux aspirations des homosexuels et qui est destiné à l’ensemble de la population,
_Une loi contre la discrimination,
_Un espoir d’égalité, avec l’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe qui devait voir le jour au premier semestre 2013… et qui est encore remis en cause fin 2014.
Ils ont tout de même certains représentants associatifs demandés lors d’établissement de législations, mais leur avis est strictement indicatif. Concernant la médiatisation : les voix religieuses sont automatiquement représentées dans les comité de bio-éthique, là ou celle des LGBT ne l’est pas.
Enfin concernant cette idée de puissance, il faut aussi rappeler que c’est souvent plutôt le bénévolat qui caractérise ces associations, plutôt qu’une manne financière d’une commune, département, région etc. Un critère tout de même essentiel pour pouvoir parler de « lobby » qui serait comparable a ceux des grosses industrie du tabac par exemple.
3Notamment vis-a-vis des femmes qui auraient des problèmes de fertilité et qui auraient besoin d’assistances médicales spécifiques. Il présuppose entre autre, que des femmes recourent a la PMA… parcequ’il y aurai un manque de partenaires disponible : « Plutôt que de s’inquiéter du déficit de naissances masculines, elle préfère réclamer le droit pour les femmes célibataires de recourir à la PMA. Un moyen commode de combler le manque de partenaires disponibles. »
4Hervé le Meur indiqué comme auteur a débattre sur la PMA, sans plus de précaution, si ce n’est sur la question de nature, est clairement de droite.
5« Comme vous le savez, un tel centre de promotion de la reproduction artificielle de l’humain n’existerait pas sans le soutien de nos partenaires et bienfaiteurs. Vous trouverez en sortant sur votre droite une petite boîte destinée à recueillir vos dons. Ils seront intégralement reversés à des organisations progressistes, toutes tendances confondues, en remerciement de leur combat pour la marchandisation du vivant. Un combat qui a rendu possible années après années, la mise en place d’un véritable marché de l’enfant. Merci de votre soutien. »
6Aujourd’hui cette critique est dépassée puisque au-delà on trouve aujourd’hui la brevetage d’atomes. Avec un enjeu concurrentiel entre les entreprises pour trouver les atomes clefs qui servirai au plus grand nombre de combinaisons nanotechnologique dont les entreprises pourrait tirer profit. Sur ces critiques ETC Group est en avance depuis des années.
7Une citation d’un multimillionaire au PS et co-propriétaire du Monde, une ministre du PS, un éthicien qui n’a jamais caché son libéralisme ? C’est donc ça la gauche ? Ce dernier évidemment parle du travailleur comme quelqu’un qui « loue » ses bras et ce serait une bonne chose. Autrement dit, il n’est même pas d’accord avec Marx qui parle dans ce cas déjà d’exploitation. Peut-on donc le qualifier de gauche ? En fait les gens qu’ils citent comme étant de gauche partage son illusion selon laquelle PMA = marchandisation.
8L’idée d’une surpopulation opposée a l’idée d’enfanter apparaît au chapitre 4. L’auteur ne fait pas de distinctions entre les pays, les revenus et donc au final l’impact des familles qui serait concerné. Le problème n’est pas tant de dire que la surpopulation va créer des problèmes (oui il y en aura), mais de le faire sans discernement. Un enfant né aux États-Unis aura une consommation estimée a 4 planètes, un autre né au Kénya aura une consommation estimé a 1/2 planète. La critique non informée revient en général a discriminer ceux qui font le plus d’enfants, alors que ce ne sont pas ceux qui consomment le plus. Par ailleurs, avant de faire une critique de la surpopulation (qui en général fait tomber la culpabilité sur « l’éducation des femmes » dans les programmes de développement) il serait peut-être pertinent de questionner le système lui-même, son urbanisme, et sa production qui favorise un type de consommation.
9Une tendance très claire chez les nouveaux conservateurs (Michéa cité au chapitre 4, pour qui la famille serait un des derniers lieux de résistance a la logique marchande). Rappelons qu’il n'est pas du tout inscrit dans le libéralisme que les enfants ne doivent pas travailler, ou que les femmes doivent être aussi libres que les hommes. Si cela pousse dans ce sens « chez nous », c'est parce qu'il y a eu des luttes, et qu'il a du s'adapter. Mais si l'on regarde un temps soit peu à l'échelle du monde, on voit très bien que le libéralisme-réellement-existant se satisfait tout autant d'autres situations. Par ailleurs si l’on réduit les violences aux questions marchandes (par un angle marxiste) on ne voit pas d’autres types de violence pourtant présentent dans les familles. Par ex. les viols on plus souvent lieu dans l’entourage proche et non dans un parking sombre avec un inconnu. Ou encore en Inde les femmes subissent des violences certes non-marchandes, mais bien réelles sur les exigences portées sur elles (quand elles ne sont pas éliminées dès la naissance).
10« On peut réclamer la PMA et militer en faveur de la reproduction artificielle de l’humain ou se battre contre l’industrie qui stérilise la population. Je choisis chaque fois la seconde option. Je ne suis pas extrémiste : je suis radical. »
11À la radio, (Terre a Terre sur France Culture) il dira qu’il y a des luttes dignes comme la faim dans le monde, l’accès a l’eau potable etc. mais pas le combat pour l’accés a la PMA.
12Ou encore, la logique de beaucoup de chercheurs en nanotechnologies : notre recherche est intéressante car elle ouvre de nouvelles questions, de nouveaux imaginaires, participe au savoir etc.
13Malheureusement c’est une habitude classique en écologie. Sous couvert d’approche holistique mettant tout le monde dans le même bateau, soudainement tout comme avec la religion, les disparités de classes, et de responsabilités sont évacués pour uniformiser le questionnement à « l’espèce humaine ». La tendance réactionnaire est particulièrement claire avec le petit texte « La nef des fous » de Theodore J. Kaczynski (Unabomber, justifie la violence politique par l’usage de colis piégés contre des informaticiens et des scientifiques, sera emprisonné après que son frère est reconnu sa prose et ainsi pu indiquer la cabane ou il vivait reclus) qui ridiculisait déjà a sa manière l’émancipation des homosexuels « à sucer des bites » pendant qu’il faudrait plutôt se soucier d’empêcher le vaisseau collectif de foncer dans l’âbime en coupant les machines.
14Mais encore, si l’on appliquait cette logique jusqu’au bout, il faudrait interdire le don d’organe, puisque ailleurs les organes sont des marchandises. Rappelons qu’il n’y a pas que la PMA qui permet le type de tri que crains l’auteur, l’amniosynthèse le permet aussi.
15«  La PMA [,..], pratiquée en laboratoire, soumet les couples à l’expertise médicale, transforme la procréation en marchandise, place les embryons sous la coupe du biologiste et entraîne leur sélection : l’eugénisme. C’est la PMA que réclame la gauche et la mouvance LGBT. »
Au chapitre 3 pour faire peur : « Ce qu’on fait aux animaux, on le fait aux humains. » Nous n’avons pas encore vu une industrie permettant de manger les humains, d’élevage en ferme pour leur lait etc.
16J’ai fait ces propositions et réflexion dans mes mémoires de philosophie sur les nanotechnologies (2007) et le transhumanisme (2008).
17La question se repose d’ailleurs avec l’adoption que l’auteur voudrait faciliter. « Pourquoi les militants de gauche demandent-ils le droit pour les lesbiennes de recourir à la PMA plutôt qu'à l'adoption ? » (p.195). J’ai lu cette remarque, je crois de Aude V. : « Les enfants adoptables sont très peu nombreux en France et à l’étranger la pratique est problématique (déracinement et néo-colonialisme, pour ne rien dire de la discrimination des couples homo dans les pays concernés) ». Et à ce jour on ne peut pas adopter sans se soumettre a une expertise.

18Comme si on voulait non pas critiquer, mais interdire, le Bio parce que la grande distribution en propose, alors que le capitalisme ne voit dans le Bio qu’une opportunité parmi d’autres de récupérer et diversifier sa marchandise.

De même PMO publie sur internet et dans un texte dont il est co-signataire ils n’hésitent pas a terminer en indiquant « brisons les machines », or Internet permet le contrôle et la propriété intellectuelle !

4 commentaires:

Martin scriblerus a dit…

Joli travail de synthèse.

Il y aurait pour moi matière à discuter et à préciser plus avant, (par exemple, prendre en compte le caractère de provocation délibérée et assumée de l’ouvrage comme de la tournée qui a suivi, manifesté aussi par le genre de mépris abyssal envers les critiques dont ont fait preuve jusqu’ici ses soutiens, me semble tout de même participer de l’intelligence à la fois des rapports de force présents, comme de la profondeur des impensés théoriques et du complexe de supériorité qui semble affliger l’auteur et ceux de ses amis anti-industriels qui sont intervenus ; mais ce n’est pas le seul point).

Dans l’immédiat, il me semble bien plus important que vous ayez écrit ce résumé clair et concis des problèmes que pose l’étroitesse et l’aveuglement du point de vue « anti-industriel » tel qu’il s’est manifesté ces derniers mois, et que vous ayez mis en évidence la superficialité de la « radicalité critique » à laquelle l’auteur et ses amis ont prétendu.

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je le relaierai depuis mon blog, en compagnie de celui d’Aude V.

Florian OLIVIER a dit…

Oui, je suis pas revenu sur l'aspect de la forme, cependant, le risque c'est de se retrouver avec des commentaires ou on me reprocherai un mauvais esprit, ou un procès d'intention. En règle générale pour des raisons de communication non violente, j'essaye d'appliquer le rasoir d'Hanlon, c'est à dire, ne pas partir du principe que l'auteur a de mauvaises intentions... même si des fois ça me démange.

Je ne vois pas d'inconvénient a relayé ce texte ailleurs. Et je vous remercie de votre complaisance ;)

Sur les critiques porté sur la technique en fait j'ai été assez surpris de leur niveau de pauvreté. On pourrait dire que la polémique sur la PMA n'est la que pour justifier un travail de réflexion sur la question de la technique que l'auteur veux diffuser... mais quand on lit la dite réflexion, on voit qu'elle n'est précisément pas poussée très loin. C'est donc une double perte, a la fois des polémiques clivantes pour traité un sujet qui aurait pu l'être différemment, et en même temps peu d'apport sur la question qui serai soit disant fondamentale.

Anonyme a dit…

http://seenthis.net/messages/324584

"Il est clair pour moi que PMO et Escudéro, ou même N&MC n’ont pas le monopole de la critique de l’industrialisme.

Ce qui est triste c’est qu’il est probable que eux, pensent qu’ils l’ont et pour d’autres qu’elle se résume a eux."

T'est vraiment un connard.

Tranbert

Florian OLIVIER a dit…

Ma fois. "Je ne partage pas ton avis", ou "je ne suis pas d'accord", m'aurait fait réfléchir sur ma proposition "probable". Mais bon.